11 Juin 2008
Adieu veaux, vaches, cochons. Bonjour Miossec, Cali, Rita Mitsouko. En 1978, « frustré de ne pas découvrir sur scène la formidable explosion musicale de l'époque », Jakez L'Haridon, jeune héritier d'une exploitation agricole de Châteaulin, décide de la transformer en café-cabaret. Il n'en garde que le nom, singulier, de Run Ar Puñs : « L'agri non, la culture oui ! »
En trente ans, ce corps de ferme du XIXe siècle, où toujours en hiver crépite un feu de bois, en a épaté plus d'un. Le livre d'or regorge de signatures d'artistes sidérés d'un « tel accueil au fin fond du Finistère ». Combien de spectateurs repartis « sur un nuage », après une formidable discussion post-concert avec Katerine, Lucky Peterson, Le Forestier ou les Infadels ? Assez pour former une impressionnante force de bénévoles, garants de l'identité de cet « espace de tous les possibles ».
Contre l'uniformisation
Le Run, « c'est l'histoire d'une initiative privée devenue d'intérêt général, résume Jakez L'Haridon, qui se méfie de la nostalgie. L'anniversaire pose surtout une question cruciale : que seront les trente prochaines années ? » Avec ce temps d'avance qui lui a permis « de conserver la reconnaissance de lointains financeurs, les indispensables État et Région », le Run se fait l'artisan de son avenir. « Il ne peut se résumer à la programmation inspirée de concerts, explique Arnaud Le Roux, bras droit de Jakez. L'artiste doit être placé au centre du projet. »
La mutation vers la résidence d'artistes est déjà palpable. Pur condensé de l'esprit Run, le concert final des festivités du 30e anniversaire, samedi, est Mesk, (Mélanges en breton). Une création d'un « vieux pote », le subtil pianiste celtique Didier Squiban, et de Sheer. K, Brestois électros devenus références nationale trip-hop, qui ont fait leur première scène ici.
Reste à financer des transformations majeures. De vieilles granges rêvent d'une reconversion en studios d'enregistrement et de répétition ; d'antiques étables d'offrir gîte et couvert à des artistes en pleine effervescence : « Un contrepoids au processus d'uniformisation et de culture de masse ». Du militant bretonnant des débuts au défenseur actuel des musiques électroniques, Jakez, 50 ans et des poussières, a un secret de longévité : « Je n'ai jamais fermé ma porte. »
Frédérique GUIZIOU.
Les 30 ans du Run sont célébrés, jusqu'au 15 juin, à travers expositions, happenings, concerts. Rens. au 02 98 86 27 95 et sur www.runarpuns.com